L’entreprise à l’heure de l'intelligence artificielle

Suivies par une centaine d’adhérents et partenaires, les Rencontres Croissance et Technologie CSEEE du 8 octobre 2025 ont exploré les transformations actuelles et à venir du fait du développement extrêmement rapide de technologies d’intelligence artificielle accessibles aux entreprises. De multiples pans de l’activité des sociétés concernés, autant pour l'organisation administrative et commerciale que pour la partie technique et métier.
Retour sur des échanges qui ont montré l’ampleur d’un phénomène qui nous projette de fait dans une nouvelle ère, car dans de nombreux domaines, rien ne sera plus comme avant.

 

En introduction, Julien Chomont, Vice-Président de la CSEEE, précise la thématique

Les Rencontres Croissance et Technologie (RCT) de la CSEEE proposent de porter chaque année l’attention sur un thème différent choisi pour son impact significatif sur les entreprises.

Le thème 2025 « l'entreprise à l'heure de l'intelligence artificielle » s’inscrit dans le prolongement des rencontres 2021 qui anticipaient "une énorme vague d'innovation" avec l'IA générative. Cette vague s'est matérialisée en un "vrai raz-de-marée".

L'IA touche l'ensemble de la filière : fabricants, distributeurs, agences d'emploi, assurances, centres de formation, et éditeurs de logiciels. Les entreprises sont invitées à considérer l'IA comme un allié stratégique, à condition que les dirigeants fournissent une bonne feuille de route à leurs équipes.

L'objectif des RCT est d'éclairer les dirigeants, de les aider à comprendre l'évolution du marché et les enjeux pour l'avenir de leurs entreprises. Tous les domaines abordés sont des leviers de transformation qui évoluent rapidement.

 

Retours sur les vendredis de l’IA

La première table ronde animée par Valéry Dubois a été l’occasion de restituer l’expérience des « Vendredis de l'IA », un programme mis en place par la CSEEE pour répondre au besoin réel des entreprises adhérentes de comprendre comment s'approprier l'IA. Trois matinées de formation et d'échange ont été suivies par un groupe de 25 dirigeants d'entreprise entre avril à juin 2025.

L'approche, menée par Vincent Weiffenbach (Nextstep Partenaire, en association avec Polaria), n'était pas d'expliquer les fondamentaux complexes de la technologie, mais de répondre factuellement aux enjeux du terrain : "en quoi l'IA peut m'aider en tant que dirigeant, responsable d'affaires, technicien". L'idée était d'expérimenter et de pratiquer, en imaginant des applications pour l'organisation interne des entreprises. La formation était spécifique et adaptée au métier du chef d'entreprise d'une société d'électricité (TPE, PME ou grand groupe). Les participants étaient invités à partager leurs cas d'usage.

Audrey Ouvrard (Ouvrard SAS) et David Le Souder (Smart green exécution) ont participé aux Vendredis de l’IA et partagée leurs retours d'Expérience. Ils ont mis en lumière l'application de l'IA dans la résolution de problèmes métier concrets :

  • Appels d'offres et Chiffrage : C'était une demande fréquente. Audrey Ouvrard a pu envoyer toutes les pièces de l'appel d'offre dans l'IA pour déterminer rapidement l'intérêt d'y aller (le "go ou no go"), ce qui est chronophage manuellement. David Le Souder (Smart Green Execution) a utilisé l'IA pour le chiffrage et l'analyse de CCTP, notamment en GTB (Gestion Technique du Bâtiment) où il faut corréler des informations de différentes marques et différents documents (CCTP CVC, menuiserie, etc.).
  • Marketing et Communication : Audrey Ouvrard a utilisé les outils appris pour l’aider à concevoir et réaliser le site internet de son entreprise familiale en trois matinées, réalisant une économie substantielle.

Opportunités, Idées Reçues, et Risques de l'IA

La discussion a permis de démystifier l'IA et d'évoquer ses limites et ses dangers.

L'IA est une révolution comparable à la révolution industrielle. Il est préférable d'embrasser la technologie pour transformer et augmenter le potentiel de l'entreprise plutôt que de la subir.

L'IA ne remplacera pas l'homme, mais l'homme qui utilise l'IA remplacera celui qui ne l'utilise pas. Il y a une tendance à "fantasmer" sur l'idée que l'IA fait tout. Or, elle nécessite des données à exploiter et il faut définir les cas d'usage.

L'IA agit comme un assistant personnel qui augmente le potentiel de réflexion et de créativité. David Le Souder la décrit comme un "consultant hyper spécialisé" accessible en permanence.

La peur que l'IA remplace l'humain est la première idée reçue, mais elle est compréhensible. Cependant, l'IA affectera principalement les "cols blancs" (gestion, analyse de données, traitement de formulaires, stratégie, management). Les métiers manuels et les techniciens, dont la gestuelle est difficile à imiter (pas sensorielle), ont un avenir prometteur. Beaucoup rêvent de l'agent IA capable d'entreprendre des actions autonomes (écrire des mails, classer des données, interagir avec un ERP/CRM). Aujourd'hui, l'IA est principalement un assistant, et les agents sont encore rares ou aux balbutiements.

L’IA se caractérise également par des risques Elle peut devenir addictive et chronophage si l'on cherche constamment à personnaliser et à aller plus loin. Elle est "complaisante" et conversationnelle, et cherche à répondre même si elle ne trouve pas, ce qui peut mener à des "phénomènes d'hallucination". Un avocat américain a utilisé ChatGPT pour produire de fausses jurisprudences. Il est essentiel d'utiliser le discernement et la formation pour corriger les erreurs de l'IA.

Il est crucial de faire attention à la confidentialité, car "rien n'est gratuit". L'IA révèle une prise de conscience tardive sur le fait que les entreprises stockent déjà leurs données sur des supports non maîtrisés (ex: OneDrive, Teams). Vincent Weiffenbach encourage le patriotisme en soutenant les solutions françaises comme Mistral AI, qui s'engage sur la souveraineté et la traçabilité des serveurs.

Enjeux Énergétiques et Technologiques

L'IA générative a un coût énergétique très élevé.   Une requête sur ChatGPT consomme 200 à 300 fois plus d'énergie qu'une recherche Google. Cette demande énergétique croissante pousse le développement d'infrastructures. La filière est concernée indirectement par ces usages qui vont pousser à la construction de nouveaux data centers et à toujours progresser sur la voie de l’optimisation énergétique.

Cette table ronde a été également l’occasion d’écouter les témoignages vidéo de deux experts.

Le sociologue Yann Ferguson a mis en lumière les conséquences humaines de l'adoption de l'IA. Une utilisation inégale suivant les générations : 85 % des 18-24 ans utilisent l'IA, contre seulement 31 % des 35 ans et plus. Un risque d'atomisation : Les employés, notamment les jeunes, préfèrent de plus en plus s'adresser à l'IA générative plutôt que de demander de l'aide à un collègue. Cela risque d'atomiser le collectif de travail, de réduire la circulation des connaissances, et de diminuer l'engagement. Enfin un manque de sens critique : Les jeunes utilisateurs manquent souvent de l'expérience nécessaire pour formuler les bons prompts (le langage d'interaction avec la machine) et évaluer de manière critique la qualité des réponses. Les plus expérimentés, qui seraient des "super-utilisateurs," n'en voient souvent pas l'intérêt.

Les organisations doivent mettre en place une gouvernance et un cadre explicite pour l'utilisation de l'IA, incluant des avertissements et des points de vigilance. Il faut passer de l'usage individuel ("petite tambouille") à un collectivisme de l'usage, où les expériences et les bonnes pratiques sont partagées au sein de l'entreprise. La formation est essentielle pour intégrer l'IA, non pas pour remplacer le personnel, mais pour l'améliorer.

De son côté, Anna Nevijesetskaia, Professeur HEG-Genève et spécialiste big data a évoqué l'impact de l'intelligence artificielle dans le secteur du bâtiment. Forte de son expérience académique et professionnelle, elle a animé des conférences explorant les usages, les limites, la confiance et les valeurs humaines liées à l'IA dans l'habitat depuis 2023. Elle explique que l'IA est déjà un outil majeur pour la construction, la gestion énergétique et la maintenance, mais souligne que des défis persistent concernant les impacts sociaux, l'évolution des métiers, l'éthique et la sûreté des modèles. Un effort collaboratif est accompli actuellement au sein de l'Institut pour le développement de la filière et des organisations autour de l'habitat (IDFO) pour réunir chercheurs et professionnels afin de réfléchir aux futurs bâtiments intelligents. Ce travail se concrétise par un appel à contribution international avec des universités partenaires, visant à soutenir un secteur du bâtiment plus efficace et durable.

 

Applications Spécifiques de l'IA dans la Filière Électrique

La deuxième table ronde ouvrait le champ de l’IA à des usages très spécifiques dans l'ingénierie et la gestion de processus d’entreprise.

Optimisation des Achats et de la Marge

Face au fait que 40 à 45 % des coûts d'un métier sont liés aux achats et que beaucoup de PME n'ont pas de service achat dédié, Said Abid a développé un modèle IA pour optimiser ce processus. Ce modèle à l’origine de la création d’IA BTP a nécessité 1,5 an de développement.

Le robot achat peut analyser 1 million de factures en 10 à 20 secondes avec un taux d'erreur nul (0%). L'outil permet une vision micro (fichiers exploitables) et macro (pilotage, par exemple en signalant des variations de prix en pourcentage sur une marque). Said Abidi a fait le choix éthique de ne pas tirer la filière vers le bas en fournissant le meilleur prix absolu à tous, mais plutôt de donner des indications pour améliorer la performance ("peut mieux faire").

Une vision transversale de l’IA chez Schneider Electric

L'équipe de 350 spécialistes de Schneider Electric (regroupant 40 ans d'initiatives IA) intervient sur différentes solutions de la marque où l’incorporation de l’IA peut s’avérer pertinente. Arnaud Bourlon, AI Consultant a donné quelques exemples.

Pour la digitalisation de diagrammes, l'IA utilise la computer vision (capacité à lire une image) pour digitaliser les schémas unifilaires. L'outil permet de charger un PDF pour obtenir rapidement une liste de matériel (nomenclatures), accélérant la réponse aux appels d'offres.

L’application grand public Panel Insight permet de prendre en photo un tableau électrique. L'IA lit le tableau, évalue l'état du réseau et estime rapidement le gap entre l'installation existante et les besoins pour accueillir un véhicule électrique, des panneaux solaires ou une batterie. Ceci réduit les visites infructueuses pour les installateurs.

 

Jumeaux Numériques et Gestion des Réseaux Complexes (Etap)

Etap, issu de la fusion de trois entreprises (ETAP, ALPI et IGE XAO), est spécialisé dans la modélisation et la simulation de réseaux électriques complexes (basse, moyenne, très haute tension).

Le jumeau Numérique (Digital Twin)  permet une copie virtuelle et vivante de l'infrastructure matérielle (relais, disjoncteurs, transformateurs). Contrairement à un simple AutoCAD, il est connecté aux équipements sur site et peut reproduire les comportements électriques. Le jumeau numérique permet de simuler des scénarios critiques, comme l'impact d'intégrer des Watts de production photovoltaïque sur un réseau ou de nouvelles flottes de recharge électrique. Etap intègre un assistant basé sur ChatGPT (via API). Cet assistant est strictement conversationnel (il ne gère pas les données sensibles qui restent en local). Il permet aux utilisateurs de lancer des commandes et des simulations en langage humain (ex. : "Simule-moi une perte d'un générateur sur mon réseau").

Les RCT 2025 marquent une étape dans l’appropriation en cours de l’IA par les entreprises. La CSEEE évoque la reconduction de l’opération « vendredis de l’IA » en 2026 pour permettre à de nouveaux adhérents de développer leurs connaissance du potentiel des outils en partageant avec des confrères les cas d’usage génériques ou spécifiques adaptés à notre secteur d’activité.

 

Trophée de l’innovation

Les RCT incluent également les trophées de l'innovation, où sept partenaires se sont affrontés amicalement. Chaque participant disposant de trois minutes chrono pour présenter son innovation.

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Toutes les présentations ont été grandement appréciées du public qui a pu découvrir des produits et des services utiles et de grande qualité.

Le Lauréat 2025 est Nvent avec sa solution de connexion de puissance basse tension, simple à mettre en œuvre, ultra-flexible et légère (conducteur en cuivre à 90 %).

 

Merci aux membres de Club partenaires qui ont exposé durant le cocktail : Actual , ATSI, Meliatis, Nvent, Rexel, Schneider Electric, SMABTP, Sonepar, Zumtobel, Nextstep Partenaire.

 

 

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